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Le Chief Happiness Officer : totem RH ou vrai levier culturel ?

  • marine430
  • 16 juil.
  • 4 min de lecture



On l’a vu fleurir dans les startups, porté aux nues dans les tribunes des médias business, parfois moqué dans les diners de DRH traditionnels. Le Chief Happiness Officer (CHO) incarne à lui seul l’ambivalence d’un virage RH récent : celui du bien-être comme sujet stratégique. Mais soyons clairs : derrière les babyfoots et les baristas d’entreprise, il y a une vraie question de fond. Est-ce un rôle utile ? Ou un simple vernis ?


L’origine du rôle : une réponse (trop) soft à une douleur bien réelle

Le CHO est né dans la Silicon Valley, au moment où les boîtes de la tech ont compris qu’un salarié stressé, désengagé ou isolé est aussi un salarié moins performant. La promesse initiale était limpide : remettre l’humain au centre, créer une culture d’entreprise forte, soigner le climat interne.


Mais en France, le modèle a parfois été importé sans adaptation. Résultat ? On a vu des CHO chargés d’organiser des goûters, distribuer des tote bags, ou commander des plantes vertes. Du “care washing” RH sans impact structurel. La vérité, c’est que ce rôle ne peut pas porter une transformation à lui seul. Il est la face visible d’un changement bien plus profond (ou d’un manque de changement, justement).


Ce qu’un CHO doit faire (et ce qu’il ne devrait jamais faire seul)

Un vrai CHO, ce n’est pas un gentil animateur RH. C’est un stratège du lien social. Il travaille sur des sujets d’alignement culture/valeurs, de climat de travail, de transparence, de feedback, de santé mentale, d’inclusion, de reconnaissance. Il intervient en transversal, en lien avec le CPO, les managers, la com’ interne, et parfois même la direction générale.


Mais attention au piège du rôle isolé. Si vous donnez à une seule personne la charge de “rendre les gens heureux” sans changer les process, sans investir sur les conditions de travail, sans former les managers, vous créez une illusion de progrès. Et vous fabriquez du désengagement à terme.


Le vrai défi : sortir de la com’ interne déguisée

Trop de CHO ont été placés sous la direction de la communication, avec pour objectif implicite : faire rayonner la marque employeur. Résultat ? Des campagnes pleines de promesses… mais sans substance réelle derrière. Or, les talents d’aujourd’hui ne sont pas dupes. Vous pouvez créer une newsletter mensuelle sur “la vie chez nous” et offrir des cookies le vendredi, si les équipes croulent sous les réunions inutiles, subissent un management toxique ou n’ont aucune visibilité sur leur évolution, vous perdez la bataille de l’engagement.


Le CHO ne peut pas être un agent de façade. Il doit avoir un vrai pouvoir d’action, une capacité à poser des constats dérangeants, à porter des sujets inconfortables. S’il ne peut rien dire de ce qui fâche, il est inutile.


Ce que les boîtes attendent (trop souvent) du CHO, sans oser l’avouer

Soyons honnêtes : beaucoup d’entreprises veulent “faire du CHO” sans changer leur culture de fond. Elles cherchent une figure rassurante, qui fait croire qu’on agit. Un pansement RH. Et c’est là que tout dérape. Car le bonheur au travail n’est pas une prestation externalisable ni une mission de RP interne. C’est une conséquence, pas un objectif.


Un bon CHO doit être capable de mesurer les irritants réels, d’écouter sans filtre, de produire des indicateurs fiables sur le climat, et de construire des plans d’action solides. Il n’est pas là pour faire plaisir. Il est là pour remettre du sens.


Les vrais enjeux RH derrière le “bonheur” : charge mentale, reconnaissance, clarté

Quand on gratte derrière les enquêtes d’engagement, un constat revient : les leviers du bien-être sont rarement ceux qu’on imagine. Ce n’est pas le nombre d’événements internes ou le taux de fun. Ce sont des fondamentaux : avoir un rôle clair, être écouté, être respecté, être reconnu, pouvoir évoluer, ne pas se faire infantiliser, disposer d’un environnement de travail sain.


Les meilleurs CHO sont ceux qui comprennent ces mécaniques profondes. Ceux qui ne s’arrêtent pas aux signes extérieurs, mais vont creuser dans l’organisation, dans les frustrations latentes, dans les blocages humains. Et qui, surtout, travaillent avec les managers de proximité, là où le climat se construit réellement.


Faut-il encore un CHO en 2025 ? Ou faut-il mieux outiller les managers ?

Bonne question. Chez mad, on pense que le CHO peut être un catalyseur utile, à une condition : qu’il soit intégré à une vraie stratégie RH. Sinon, mieux vaut investir dans la montée en compétences des managers. Former à l’écoute active, à la reconnaissance, à la gestion des émotions, à la prévention des risques psychosociaux. Car ce sont eux, au quotidien, qui incarnent la culture et créent l’expérience collaborateur.


On voit trop de boîtes chercher des CHO alors qu’aucun de leurs team leads ne sait donner un feedback sans blesser. On voit trop de responsables culture qui envoient des gifs Slack pendant que leurs collègues croulent sous les OKR.

Il est temps de revenir au fond.


En bref...

Le Chief Happiness Officer n’est ni un gadget, ni un messie. C’est un poste exigeant, politique, transversal, qui ne vaut que s’il est porté par une vraie ambition RH. Pas de changement durable sans transformation managériale. Pas de culture solide sans alignement des actes et des discours. Et pas de bonheur au travail… sans respect structurel du travail.

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